Pour tout savoir sur le lipoedème : interview de Rhislane

par | Déc 12, 2023 | Lipoedème | 0 commentaires

lipolab

Rhislane, fondatrice du blog LIPOLAB, propose à chaque personne atteinte de lipoedème, ou à son entourage, une mine d’informations sérieuses et utiles sur cette maladie. Grâce à cette interview, je vous propose de découvrir son parcours avec le lipoedème, et ses multiples activités qui  permettent d’améliorer l’accès à l’information sur une maladie encore trop peu connue, le lipoedème.

 

1. Est-ce que tu peux te présenter brièvement ?

 

« Après mon bac j’ai fait des études de Docteur en Pharmacie et je travaille actuellement en officine. Je propose également dans le cadre de mon emploi de la formation continue auprès de professionnels du même milieu que moi.

Au niveau personnel, je suis mariée et j’ai 46 ans et je suis maman de 2 grandes filles qui sont aujourd’hui adolescentes. J’aime la nature, la marche et la lecture. Je suis de nature très curieuse et j’aime tout ce qui est nouveau. Je vais donc à la découverte de nouvelles conférences, de nouveaux projets, j’aime m’engager dans pleins de choses nouvelles. »

 

2. Pourrais-tu nous parler de ton lien avec le lipoedème ?

 

Son parcours

 

« Depuis la puberté, vers l’âge de 16 ans, mes jambes m’ont toujours interpellées. C’est toujours quelque chose qui m’a embêté. J’ai toujours trouvé qu’elles étaient disproportionnées et que j’avais de trop grosses jambes et de trop grosses fesses. Au début, j’avoue que c’était surtout un problème esthétique. À partir du moment où j’ai commencé à travailler, j’ai un travail où je suis majoritairement debout, j’ai commencé à avoir des douleurs vers l’âge de 22 – 23 ans. À l’époque je ne savais pas qu’il s’agissait d’un lipoedème.

Je suspectais une origine familiale car ma grand-mère avait également des jambes en mauvais état. Dans ma famille on m’a toujours dit que je tenais de ma grand-mère, que j’avais les jambes de ma grand-mère.

Quand on a 22 ans et qu’on vous dit qu’on a les jambes de sa grand-mère, qui porte des bandes de contention, ça ne fait pas vraiment plaisir.

On m’a donc collé l’étiquette « tu as les jambes de ta grand-mère », « il faut donc que tu fasses attention ». »

 

La maladie progresse

« Faîtes du sport et perdez un peu de poids »

« Ça s’est aggravé au moment de mes grossesses. Moi, je n’ai pas vraiment vu, mais d’après ce que mon entourage m’a dit, l’état de mes jambes a vraiment empiré après mes accouchements. Mes douleurs ont commencé à s’amplifier et l’aspect des jambes s’ait dégradé davantage.

J’ai consulté de nombreux angiologues. Ils ont diagnostiqué très tôt des problèmes d’insuffisance veineuse. J’ai donc porté très tôt des chaussettes de contention. Leur discours était toujours le même, le traditionnel « faîtes du sport et perdez un peu de poids ».

J’avais conscience à cette époque qu’il fallait que je prenne soin de mes jambes, qu’il fallait que je fasse les choses bien car j’avais toujours l’image de ma grand-mère sous mes yeux. »

(L’épée de Damoclès de Mamie, ndlr)

 Vive le sport !

 

« J’ai essayé de faire plus de sport. Il y a eu une période de ma vie où j’ai fait vraiment beaucoup de sport. Je me suis mise à courir, ce qui constitue pour moi quelque chose de monumental, de l’ordre de l’exploit, car j’ai toujours détesté ça. J’avais toujours du mal à me traîner. C’était une catastrophe.

J’ai intégré un groupe de coureuses débutantes. Je me suis rendue compte que les autres progressaient et que moi, j’étais la dernière du peloton malgré le courage et la motivation. Je me rappelle rentrer de mes séances et me retrouver l’après-midi affalée sur le canapé, j’en avais même des nausées. Je pense que je me donnais trop à l’époque.

J’ai commencé ensuite le HIIT et le crossfit. J’ai découvert les grosses courbatures. (Je compatis, j’ai donné aussi, ndlr). Je me rendais compte que je prenais du volume au niveau des jambes, mes jambes étaient plus musclées, mais ça ne changeait rien au niveau des douleurs. »

 

Le cercle vicieux de la perte de poids

 

« J’ai essayé également tout un tas de régimes bien sûr. Tous les régimes possibles et imaginables. Suite à une prise de 10 kg en première année de pharmacie où il y avait beaucoup de stress, je commence mon premier régime à 18 ans. Je commence un premier régime hyper protéiné grâce à Herbalife. Puis j’ai enchaîné avec des périodes où je prenais du poids, je reperdais du poids, puis je reprenais encore. Nouveau régime, reprise de poids, nouveau régime…J’ai dû essayer entre 10 et 15 régimes. Dukan (Ducon oups pardon…ndlr), Weight Watcher, le régime Montignac… »

 

Et puis la révélation

 

« En Janvier 2019, la révélation, je tombe tout à fait par hasard sur une émission télé d’une YouTubeuse qui s’appelle Emmy et qui parle du lipoedème. C’est la première fois que j’entends le mot lipoedème. J’en avais jamais entendu parler, alors que je travaille quand même dans le milieu de la santé. Je vends des collants de contention dans le cadre de mon travail, et jamais je n’avais entendu parler de cette maladie. Aucun angiologue ne m’avait jamais parlé de ça. »

 

 

3. Une fois que tu as pris connaissance du lipoedème, quelle a été ton parcours pour te faire diagnostiquer ?

Le parcours du combattant

 

« Je reprends rendez-vous avec mon angiologue. En vrai, je ne sais pas si je dois le dire, mais j’ai pris 3 rendez-vous avec 3 angiologues différents.

Le premier angiologue me fait passer une lympho-scintigraphie. L’examen étant normal, je suis juste ressortie avec une ordonnance de collants de contention, sans diagnostic.

Le deuxième angiologue que j’ai consulté était mon angiologue habituelle. Je lui pose alors la question « est-ce que je ne pourrais pas avoir une insuffisance veineuse ET un lipoedème ? ». Elle prend alors son compte rendu qu’elle avait rempli depuis de nombreuses années, et elle me dit qu’elle avait déjà noté le diagnostic de lipœdème dans ces écrits. Elle l’avait noté mais elle ne me l’avait jamais dit vu qu’elle n’avait pas de solution à me proposer.

Du coup, j’ai annulé le troisième rendez-vous car j’avais enfin mon diagnostic. »

 

Le traitement conservateur

 

« Je me suis alors investie sur le traitement conservateur (porter des bas de compression, stabiliser mon poids, faire du sport). J’ai laissé de côté l’idée de la chirurgie car je n’avais pas de besoin esthétique dans l’immédiat.

Je voulais faire le maximum de ce que je pouvais dans un premier temps, avec une alimentation la plus équilibrée possible, du sport doux et régulier. Je suis passée au port d’une compression adaptée, des mailles plates rectilignes, et j’ai vraiment vu un bénéfice sur les douleurs.

Je me rends compte alors que malgré le traitement conservateur, qu’il y a des jours où c’est vraiment compliqué. Il y a des zones de mon corps où je ressens comme une espèce de brûlure, ça me gêne dans les vêtements. À la mise en route du traitement conservateur, le lipœdème s’est stabilisé mais les bénéfices ne suffisent pas. Je décide donc de me faire opérer. »

 

Le traitement chirurgical

 

« Je réalise donc trois opérations à la LipoClinic de Mulheim : les mollets, l’avant des cuisses et l’arrière des cuisses. Ces interventions chirurgicales se sont bien passées dans l’ensemble même si la récupération postopératoire est difficile, inquiétante (parfois!) et douloureuse.

Je tiens à ajouter que ma première opération a été faite au mois de février 2020  et je vois vraiment un bénéfice. Je ne regrette pas du tout les opérations. C’est peut-être encore un peu tôt pour le dire, mais ça a changé mes jambes.

Pour moi le lipoedème est une maladie chronique, j’ai donc continué le traitement conservateur en parallèle, car je pars du principe que ça peut revenir (la prévention, il y a que ça de vrai! ndlr). »

 

 

4. Aujourd’hui tu travailles comme pharmacienne au sein d’une officine, et tu as développé sur ton temps libre un panel d’activités autour du lipoedème. Pourrais-tu nous en dire un peu plus ?

Un blog d’utilité publique

 

« Quand j’entends parler du lipoedème pour la première fois grâce à cette fameuse émission télé, 2 questions se posent à moi :

– Si j’en ai jamais entendu parler, est-ce qu’il s’agit vraiment d’une maladie ? Qu’est-ce qui fait la différence entre ce qu’elle raconte à la télé, et une morphologie particulière ?

– Qu’est-ce que je peux faire pour améliorer les choses ? Si je décide de me faire opérer, est-ce que c’est vraiment une opération qui va changer ma qualité de vie ou juste le côté esthétique ?

C’est de toutes ces interrogations qu’ait né LIPOLAB.

Mon blog LIPOLAB est un lieu où je recense toutes les informations en lien avec le lipœdème. Je fais ce qu’on appelle une veille scientifique, c’est-à-dire un travail d’investigation dans le but de faire connaître cette maladie au grand public. (pour visiter le blog, c’est par ici).

Ce site existe depuis février 2020. Vous pouvez y trouver un e-book téléchargeable gratuitement dans lequel vous retrouvez tout un tas d’informations validées scientifiquement pour en savoir plus sur le lipoedème, le traitement conservateur et le traitement chirurgical. On retrouve donc dans cet e-book tout ce que l’on sait sur le lipoedème aujourd’hui.

À travers ce blog, mon objectif est que toute personne qui s’est posée exactement les mêmes questions que moi au sujet de ses jambes puisse accéder à des informations de qualité. Le but est d’avoir accès à des informations le plus rapidement possible pour établir un diagnostic précoce.

Car plus tôt on se fait diagnostiquer, plus vite on fait des choses bien pour ses jambes. On évite ainsi la spirale infernale des régimes et du sport à outrance qui sont plus problématiques que de ne rien faire du tout. Qui dit régime, dit yo-yo, dit reprise de poids, dit détérioration de son lipoedème. »

 

Information

 

« Au sein de mon officine, il m’arrive d’aiguiller certains patients qui seraient susceptibles d’être atteintes de la maladie du lipoedème. Ceux qui présentent des signes extérieurs de lipoedème pendant les séances d’essayage de bas de contention par exemple. »

 

Association Maladie du Lipoedème France AMLF

 

« L’objectif de cette association est de faire parler de la maladie et d’aider les personnes qui en sont atteintes en les guidant. Il s’agit principalement d’un travail d’information et d’accompagnement non thérapeutique (informations sur les compressions, les thérapeutes et médecins spécialisés, remboursements, interventions chirurgicales, évènements…).

J’ai rejoint le bureau depuis quelque temps et je m’occupe de répondre au mails. Je suis également en train de créer le site Internet de l’association et je leur mets à disposition mon travail de veille scientifique afin de les tenir informer des nouveautés sur le lipœdème. »

 

Test de produits

« Je teste également des produits en lien avec le lipoedème afin de partager mon avis. J’ai testé quelques collants de compression, et dernièrement, j’ai testé l’utilisation d’un trampoline à la demande d’une marque. Ils sont venus vers moi à la suite d’un article que j’avais posté sur mon site en lien avec le sport. »

 

5. Des projets pour le futur ?

 

« Oui j’ai un projet qui me trotte en tête en lien avec des choses que je vois régulièrement à mon travail. J’ai remarqué que ce n’est pas parce que l’on sait les choses qui sont bonnes pour la santé qu’on les fait.

Par exemple, un fumeur à qui on dit qu’il faut arrêter de fumer, ou une personne diabétique à qui on dit qu’il faut qu’il diminue sa consommation de sucre, ou la personne hypertendue qui a un traitement et qui sait que c’est bon pour lui.

Tous ces gens disent oui au docteur « oui je vais faire ça, oui je vais faire ci », et quand ils arrivent à la pharmacie, on voit bien le paquet de cigarettes ou le paquet de gâteaux au fond du sac, la personne hypertendue qui ne prend pas son traitement.

J’aimerais proposer un travail autour de la personne, autour de ses croyances, axé sur les choses qui font qu’ils ne passent pas à l’action. Je ne sais pas encore quelle forme cela prendra, mais c’est un sujet qui m’intéresse énormément. Accompagner les personnes pour les aider à mettre en pratique ce qui est bon pour elles. »

 

6. Comment envisages-tu l’avenir pour le lipoedème ?

 

« I have a dream »

 

« Il existe aujourd’hui beaucoup de zones d’ombre autour de cette maladie, et j’aimerais qu’on en sache davantage dans un avenir proche. Je souhaiterais que l’accès aux soins pour les personnes atteintes de lipoedème soit plus facile, surtout au niveau financier.

Si je devais avoir un rêve, ça serait que cette maladie soit mieux prise en charge et que vivre avec cette maladie soit plus facile. (aujourd’hui, prendre soin de son lipoedème dépend du hasard du diagnostic & du contenu de son portefeuille malheureusement, ndlr) »

 

 

 

Merci Rhislane pour ton temps et pour tous ces précieux renseignements, lesquels, je suis certaine, pourront aider énormément de personnes.

 

Pour suivre l’activité de Rhislane et se tenir informé.e de tout ce qui a trait, de près ou de loin, au lipoedème, abonnez-vous à sa newsletter directement sur son site www.lipolab.fr

Vous y trouverez le précieux ebook téléchargeable gratuitement, et vous retrouverez sur son blog de nombreux articles sur le sujet.

Vous pouvez retrouver Rhislane sur les réseaux sociaux,

– sur Facebook (Lipolab – Le lipoedème décrypté)

– et sur Instagram (lipolab_lipoedeme).

 

Et nous sommes fières de vous partagez le fruit d’un premier travail commun autour du lipoedème.  Aujourd’hui, de nombreuses personnes atteintes de cette maladie sont perdues face à leur alimentation. Et ceux qui savent comment manger ne réussissent pas toujours à mettre en application leur savoir. Nous avons donc conçu un programme alimentaire pour répondre à ces besoins.

Le programme Libérez vos jambes est un accompagnement nutritionnel quasi individuel conçu exclusivement pour les personnes atteintes de lipoedème. En plus de tout ce que vous devez savoir sur l’alimentation adaptée à cette maladie, vous êtes accompagné.e  tout au long du programme dans vos changements, et vous bénéficiez d’une méthode progressive qui vous permet d’intégrer des changements alimentaires dans votre quotidien, facilement et durablement.

Pour en savoir plus sur le programme, cliquez ici.

 

 

lipoedème

Lipoedème : un médecin en parle

Peu de personnes du grand public et peu de médecins connaissent le lipoedème. Cette maladie étant peu médiatisée, je profite de la diffusion d'un interview sur ce sujet pour faire le point sur la prise en charge du lipoedème. Le Dr Vignes, chef de Service de...